Sport de haut niveau et santé
Bouger fait du bien! Mais le sport de haut niveau est-il vraiment bon pour la santé? Le Dr méd. Quinten Felsch, médecin du sport à la clinique Schulthess de Zurich, répond à nos questions.
Quel est le revers de la médaille du sport de haut niveau?
Dr méd. Quinten Felsch*: pour réussir dans le sport de haut niveau, il faut beaucoup d’ambition, de discipline et de temps pour l’entraînement et la compétition – souvent dès l’enfance et l’adolescence. Pour de nombreux athlètes, ce n’est pas facile de concilier sport et formation professionnelle. Ceux qui misent tout sur le sport ne doivent pas oublier que très peu rejoignent l’élite mondiale et peuvent en vivre. S’assurer à long terme des perspectives professionnelles et un revenu est compliqué. De plus, chez les sportifs professionnels, le risque de blessure est toujours présent et peut interrompre la carrière à tout moment.
Avec quelles répercussions possibles sur la santé?
Tout dépend de la blessure et des contraintes accumulées au cours de la carrière. Dans la plupart des sports, les blessures touchent surtout les membres inférieurs. Dans les sports de contact et les sports à forte dépense énergétique, le risque de blessures traumatiques est plus élevé. Les ligaments latéraux et croisés et le ménisque au niveau du genou ainsi que les ligaments de la cheville sont particulièrement exposés. Mais les fractures et les lésions traumatiques du cartilage ou des muscles sont aussi fréquentes. Dans les sports d’endurance, on observe davantage de blessures dues à une sollicitation excessive ou des signes d’usure comme le syndrome de l’essuie-glace.
Quelles sont les conséquences à long terme?
La chronicisation des douleurs dépend de la sévérité de la blessure et, surtout, du traitement. Si la cicatrisation n’est pas optimale, la gêne peut persister ou des signes d’usure secondaires peuvent apparaître. Avec les conséquences qu’on imagine sur la qualité de vie, notamment la vie sociale et professionnelle.
Des signes d’usure peuvent survenir dans tous les types de sports, même sans accident. Dans le sport d’endurance en particulier, on observe souvent une accumulation des contraintes qui s’exercent sur les articulations au fil des années et peuvent favoriser leur usure. Les articulations les plus touchées sont les hanches, les genoux et les chevilles, surtout chez les sportifs qui présentent des malformations congénitales des jambes ou des pieds.
Le sport de haut niveau peut aussi être très éprouvant sur le plan psychique. À la fin de leur carrière, nombre de sportifs ressentent un vide émotionnel. Les études montrent toutefois qu’avec l’âge, leur santé psychique est souvent meilleure que celle des non-sportifs.
Comment prévenir ces manifestations d’usure?
Ça dépend du type de sport, de la constitution physique, des antécédents de blessure et de l’intensité des entraînements et des compétitions. Une technique optimale et un accompagnement individuel par un entraîneur expérimenté aident à prévenir les problèmes. L’entraînement doit être le plus varié possible. Je recommande aussi un renforcement musculaire régulier et l’étirement des principaux groupes de muscles. Une bonne stabilisation du tronc et de l’axe des jambes est essentielle. Les blessures doivent toujours être complètement guéries avant de reprendre l’entraînement ou de participer à une compétition. Sinon, on risque de réactiver la blessure ou de se blesser à nouveau.
À quoi les sportifs de haut niveau doivent-il faire attention pour préserver leur santé?
Les risques dépendent de l’âge, de l’intensité de la pratique et de l’encadrement par l’entraîneur et le personnel de santé. Chez les jeunes sportifs, l’accompagnement par la famille est très important. Elle les soutient et les protège.
Malheureusement, les athlètes suisses ne sont pas tous aussi bien encadrés. Les footballeurs professionnels sont généralement étroitement suivis par toute une équipe qui réunit notamment des physiothérapeutes, des rééducateurs, des préparateurs physiques, des masseurs, des spécialistes du diagnostic de performance, des médecins, des diététiciens… Dans de nombreuses autres disciplines, le suivi est beaucoup moins rigoureux.
En tant que médecin du sport, je conseille surtout d’éviter le surentraînement. Plus d’entraînement ne va pas forcément de pair avec de meilleures performances. Au contraire, un entraînement trop intensif met l’organisme à rude épreuve et peut s’avérer contre-productif. Le corps a besoin de récupérer suffisamment pour profiter des bénéfices de l’entraînement.
Quand on fait du sport de haut niveau, mieux vaut aussi renoncer à l’alcool et aux drogues, respecter les règles antidopage, manger sainement, dormir suffisamment et faire des bilans réguliers avec un médecin du sport.
Les sportifs de haut niveau se rétablissent-ils plus vite après un accident?
Les médias parlent souvent de sportifs de haut niveau qui reprennent l’entraînement très vite après une blessure. Ça peut donner l’impression qu’ils récupèrent plus vite, mais ce n’est généralement pas le cas. Le processus de cicatrisation naturelle des structures blessées n’est pas plus rapide que chez n’importe quelle personne normalement sportive. Mais la rééducation est souvent plus efficace chez eux, car ils sont généralement plus disciplinés et plus déterminés et ont aussi plus de force, une meilleure condition physique et une meilleure compréhension du mouvement. Tout cela favorise grandement la récupération et contribue à une reprise plus précoce de l’entraînement.
Toutefois, de nombreux athlètes n’attendent pas la guérison complète et reprennent trop vite – par ambition ou à cause de pressions extérieures. Consciemment ou non, ils courent ainsi un risque important de dommages à court et long termes, surtout lors d’évènements majeurs comme les jeux Olympiques.
Dans de nombreuses disciplines comme la gymnastique artistique, l’entraînement intensif commence très jeune pour avoir une chance au niveau international. Quels sont les risques?
Comme le corps est toujours en croissance, les fortes contraintes physiques peuvent avoir un impact négatif sur le développement et entraîner des troubles musculosquelettiques liés au surmenage. Les sportifs risquent aussi de ne pas vivre une jeunesse normale et de le regretter plus tard. Dans des sports comme la gymnastique artistique, la danse classique et le patinage, les troubles alimentaires ne sont pas rares et peuvent générer des maladies psychiques et physiques.
Comment prévenir les troubles alimentaires?
Ils s’installent souvent insidieusement et sont pris à la légère ou cachés par honte. Leur prévention n’est donc pas simple. Il est important de parler de ce qu’est une alimentation saine et des troubles alimentaires dans l’entourage sportif et familial, d’aborder ouvertement le problème en cas de suspicion et de demander de l’aide.
Chez les filles, les troubles alimentaires et l’entraînement intensif peuvent freiner le développement normal et entraîner une aménorrhée primaire. Quand une fille fait du sport de haut niveau et a des règles irrégulières voire pas de règles du tout, il faut s’en inquiéter. Mieux vaut consulter un(e) gynécologue ou un(e) médecin du sport.
Quels sont les avantages du sport de haut niveau pour la santé?
Les scientifiques ne sont pas unanimes sur la question. Tout dépend du sport pratiqué et du niveau de performance. Certaines études montrent que les sportifs de haut niveau souffrent moins souvent de diabète, de problèmes cardiovasculaires et de cancer et vivent plus longtemps. Le sport a un impact positif sur la fonction cérébrale. Ses avantages ne sont pas seulement attribuables à l’activité physique régulière mais découlent d’un mode de vie globalement plus sain. Nombre de sportifs profitent de ces avantages et restent actifs jusqu’à un âge avancé.
*Dr méd. Quinten Felsch est médecin-chef du service de médecine du sport de la clinique Schulthess à Zurich.
Cet article a été publié dans une édition d’astreaPHARMACIE et adapté pour le site web. L’édition complète d’astreaPHARMACIE est disponible en pharmacie et paraît dix fois par an.