La pharmacie en première ligne

Une chance pour vous et notre système de santé

TEXTE: MARTINA TSCHAN, SOCIÉTÉ SUISSE DES PHARMACIENS PHARMASUISSE

Notre système de santé est de plus en plus confronté à ses limites – des services d’urgence dé-bordés, des cabinets médicaux surchargés et la pénurie de personnel qualifié font désormais partie du quotidien. Il existe pourtant un premier point de contact compétent et efficace au poten-tiel encore largement inexploité: la pharmacie, qui vous offre des premiers soins médicaux simples, de même que des conseils et une prise en charge avisés.

Saviez-vous qu’une grande partie des traitements effectués par les services d’urgence concerne des cas qui ne relèvent pas de la médecine d’urgence ? Maux de gorge, piqûres d’insecte ou infections urinaires simples peuvent être souvent directement – et avec un coût moins élevé – traités par la phar-macie. Cependant, beaucoup de patientes et de patients continuent de prendre le chemin de l’hôpital, ce qui non seulement pèse sur les services d’urgence, mais engendre des coûts de santé élevés, alors que les pharmacies de proximité pourraient absorber rapidement et de manière compétente une grande partie de ces cas dits « bagatelle ». Bien plus que de simples centres de délivrance de médicaments, elles devraient être encore mieux intégrées dans les soins médicaux de base.

Qu’il s’agisse de troubles gastriques, d’une éruption cutanée ou d’une petite plaie: il n’est pas toujours nécessaire d’aller chez le médecin pour se faire traiter. Dans ces situations, votre pharmacie vous fournit rapidement de l’aide – et sans délai. Grâce à leur formation initiale et postgrade universitaire et des for-mations continues spécifiques fondées, les pharmaciennes et les pharmaciens sont préparés au mieux pour évaluer votre état de santé de manière compétente et se charger de la prise en charge initiale. Si besoin, ils peuvent aussi vous orienter vers un médecin ou directement au service des urgences. Cette fonction de triage est décisive et décharge le système de santé.

«30 % des personnes sondées ont pu éviter une consultation médicale grâce à un conseil en pharmacie au cours de l’année écoulée.»

Ce qui fait (encore) défaut aujourd’hui: un soutien adéquat

Malgré tous ces avantages, les caisses-maladie ne prennent pas en charge les coûts de ces presta-tions. Ce qui veut dire que de nombreux patients paient le traitement de leur propre poche, alors qu’une visite à la pharmacie déchargerait le système. Si vous avez déjà épuisé votre franchise, vous avez sou-vent une incitation financière à vous rendre directement aux urgences. Cela n’est ni pertinent ni durable. C’est pourquoi les pharmaciennes et les pharmaciens, soutenus par leur faîtière la Société Suisse des Pharmaciens pharmaSuisse, revendiquent des bases légales claires: les prises en charge initiales effec-tuées en pharmacie, après triage approfondi, doivent être reconnues et remboursées par l’assurance de base. Il serait également pertinent que les pharmaciens soient autorisés à établir des certificats d’incapacité de travail pour des troubles clairement définis. Les pharmacies deviendraient ainsi une ré-elle alternative aux cabinets médicaux et aux services d’urgence en tant que premier point de contact en cas de problèmes de santé.

Un domaine particulièrement important dans lequel les pharmacies œuvrent déjà beaucoup aujourd’hui est la prévention. Dans tous les cantons, la population peut se faire vacciner en pharmacie contre la grippe, l’encéphalite à tiques ou l’hépatite. Cela économise du temps, contribue à augmenter la couver-ture vaccinale et décharge là aussi les cabinets médicaux. Actuellement, les clients doivent encore payer eux-mêmes les vaccinations effectuées en pharmacie. Cette prestation devrait toutefois enfin être prise en charge par les caisses-maladie dès 2027.

Coup d’œil sur les pays étrangers – et vers l’avenir

Certains pays, comme l’Angleterre, le Canada et la France, où les pharmacies font déjà partie intégrante de la médecine de premier recours, sont plus avancés. En Suisse aussi, les premiers projets – comme dans le canton de Vaud ou dans l’Oberland bernois, où les pharmacies sont officiellement désignées comme premiers points de contact – montrent que le modèle fonctionne et que la population l’apprécie.

Pour que tous les patients puissent en bénéficier de manière égale dans tous les cantons, il faut main-tenant une réglementation homogène sur l’ensemble du territoire. Des normes de qualité uniformes et des modèles de facturation clairs renforceraient non seulement la confiance mais aussi le système de santé de manière durable. La Société Suisse des Pharmaciens pharmaSuisse s’engage dans ce sens au niveau politique avec ses revendications claires.

La population suisse accorde une grande confiance à l’égard des pharmacies, qu’elle voit comme un premier point de contact important.

Une enquête représentative récente montre que les pharmacies jouissent d’un niveau de confiance élevé au sein de la population et qu’elles sont souvent le premier point de contact pour les questions de santé. Elles sont même consultées plus souvent que les cabinets médicaux, en particulier pour traiter des problèmes mineurs et obtenir des médicaments délivrés sans ordonnance ou des appareils médi-caux. Beaucoup apprécient l’aide rapide et simple directement sur place, sans rendez-vous. Même si le médecin de famille est encore souvent choisi en cas de symptômes vagues, l’importance des pharma-cies est clairement évidente: l’an passé, un tiers de la population a pu éviter une visite chez le médecin grâce à un conseil en pharmacie.

Les prestations proposées par les pharmacies sont très appréciées: 83 % de la population les jugent adéquates. Néanmoins, c’est surtout la remise des médicaments qui est la plus utilisée jusqu’à présent. Beaucoup de personnes connaissent trop peu les autres offres telles que les conseils santé ou les con-trôles de prévention – bien que l’intérêt à leur égard soit grand.

Depuis 2019, les pharmaciens peuvent remettre directement, dans des conditions bien définies, des médicaments soumis à ordonnance. Malheureusement, les deux tiers de la population ne le savent tou-jours pas. Informer encore et encore la population revêt ici une importance particulière.

«Les deux tiers de la population ne savent toujours pas que certains médicaments délivrés sur ordonnance sont également disponibles en pharmacie sans ordonnance médicale.»

Il reste aussi beaucoup de potentiel dans le domaine des vaccinations: si les caisses-maladie les pre-naient en charge – sans consultation médicale préalable – près de 74 % des personnes seraient prêtes à se faire vacciner en pharmacie.

Qu’est-ce qui empêche la population de recourir plus fréquemment aux pharmacies ? Le fait que les coûts ne soient pas pris en charge par les caisses-maladie est souvent cité. Toutefois, beaucoup sou-haitent que les pharmacies aient davantage de compétences: une personne sur deux serait favorable à ce que les pharmacies puissent aussi établir un certificat d’incapacité de travail après un entretien-conseil. Les deux tiers des personnes interrogées seraient prêtes à se soumettre à une première éva-luation de leurs symptômes directement à la pharmacie – une offre qui est vue comme étant pertinente et qui permettrait de décharger le système de santé. L’enquête montre clairement que la population souhaite que les caisses-maladie remboursent cette prise en charge initiale et ce triage. Les trois quarts des personnes interrogées se sont exprimées dans ce sens.

Conclusion: Les pharmacies et la population sont prêtes

Les pharmacies sont prêtes à assumer davantage de responsabilités – et elles en sont capables. En se chargeant du traitement initial des cas médicaux simples, elles offrent un complément compétent, simple et économique aux soins assurés par les médecins de famille. Cela soulage les services d’urgence, permet de réaliser des économies et améliore l’accès aux soins de santé pour tous – de manière rapide, fiable et directement sur place. La population aussi est prête à recourir plus souvent aux pharmacies comme premier point de contact si les coûts sont pris en charge. Dorénavant, n’hésitez pas à consulter votre pharmacie, même si vous devez encore en supporter les frais vous-même. Cela en vaut la peine, surtout si vous n’avez pas encore atteint votre franchise.

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